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En improvisation, le temps est à l'envers.

"It's a poor sort of memory that only works backwards." Lewis Carroll.
En musique poétique, le temps est à l'envers.
Sinon, quel intérêt il y aurait-il à passer d'une note à l'autre?

Le musicien construit d'abord un édifice dans lequel il vous invite à entrer. C'est peut-être un palais ou encore une modeste cabane. Ou encore un paysage, ou même un petit jardin.
Pour notre raison, le bâtiment est invisible mais notre mémoire ancienne le reconnaît. Ou plutôt, elle se souvient de ce qu'il va devenir; de ce qu'il n'a jamais été. Elle se souvient des possibles qu'elle lui a rêvés.
Cet édifice, on ne le construit pas du sol au faîtage, mais par évocations juxtaposées. C'est sans ordre apparent, mais c'est sur le modèle de la répartition des étoiles dans le ciel, et c'est l'art des constellations.
Parfois ce sont des pans de mur, associés aux tentures, et ornés d'un détail fugace. Parfois encore on s'attarde à une frise décorative parce qu'elle fait souvenir d'un bonheur associé à sa présence.
Mais ce qu'on sait moins, c'est qu'en réalisant cette construction vivante, on crée un ensemble de possibles qui seront le passé d'un temps lointain.
En évoquant un passé ancien, comme la musique des troubadours, on révèle un vrai futur de l'âme. Et cette âme se souvient alors par analogie de ce qu'elle va devenir, ou plus exactement de "comment" elle va devenir.
Les notes, en soi, ne sont rien que des révélateurs de présence. C'est le mouvement des passages des unes aux autres qui réalise l'image sonore que vous vous appropriez par la mémoire.
Pour le musicien, c'est un autre temps: quand il commence à jouer, il ne connaît pas encore le bâtiment. Que la musique soit écrite ou non, connue ou non, parce que c'est l'interprétation et sa vitalité qui le construisent. La musique écrite n'est qu'une feuille de papier.
Les petites formules musicales, posent un paysage mais aussi une proposition, une invitation à y entrer. A y entrer et l'habiter pleinement. Ce sont les notes de la fin de la phrase qui en déterminent le début. Le musicien vit ainsi dans un présent en marche qui est total mais s'élargit à mesure qu'il se souvient de ce qu'il va jouer.
L'improvisateur sait maintenir l'esprit et la saveur du morceau, sa structure et son évolution par sa seule volonté.
Les grands improvisateurs se souviennent de tout un morceau avant même de commencer.

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